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                                L’Economie Politique Féministe

La science économique est la science qui s’intéresse à la production, la consommation et l’échange des biens et services. Elle est née avec Adam Smith et avec l’étude de l’économie politique, c’est-à-dire des échanges de bien ou de travail contre de l’argent. L’un des principaux objets de cette science est la production de bien et du travail. Elle ne s’intéresse malheureusement qu’à une partie du travail et de la production de biens et services au détriment d’une autre partie de travail. 

Par exemple, vous-êtes vous jamais  demandé.e  :  Est-ce que l’économie a été jamais intéressée au travail des esclaves et des serfs? Est-ce que l’économie s’intéresse, actuellement, au travail généré par les nouveaux modes d’esclavage moderne? Au travail servile non familial? Au travail domestique majoritairement effectué par des femmes? Pourquoi ce dernier n’a-t’il pas été considéré comme du travail par la pensée économique depuis le XIXe siècle et pourquoi n’est-il pas pris en compte dans les théories économiques ? 

L’économie est encore l’une des sciences les moins féminisées car elle est construite par des hommes, pour être au service d’une société dirigée par des hommes

Hélène Périvier

En ce qui a trait aux dernières questions, les féministes ont réalisé beaucoup de travaux, produit des écrits scientifiques  associant leur militance et la science économique. Considérant que l’économie est encore l’une des sciences les moins féminisées car elle est construite par des hommes, pour être au service d’une société dirigée par des hommes, l’économie politique feministe  est née dans les années 1970 en réponse à la marginalisation des femmes dans les analyses économiques traditionnelles. Elle est donc un domaine de recherche qui combine les perspectives de l’économie politique et du féminisme pour étudier les inégalités économiques et sociales entre les sexes.  En effet, la théorie néo-classique, largement adoptée par les économistes, se focalise trop souvent sur les échanges marchands et n’a pas été conçue pour comprendre les échanges d’une autre nature (comme le travail domestique ou le travail familial et émotionnel des femmes). Par ailleurs, la science économique est le champ d’étude privilégié pour étudier l’exploitation et la domination globales subies par les femmes. Car la répartition du travail par sexe soutient et pérennise l’organisation économique de notre société.

Le travail non-remunéré et invisible des femmes

D’un point de vue économique, la femme occupe une place importante au sein de la société. Elle joue un rôle de  facteur de production dans la création des biens et services, mais aussi, de reproduction de la force de travail (gestionnaire de vie). Pourtant, peu d’études ont été réalisées pour parler de ces rôles. Peu d’économistes ont été préoccupé.e.s par des travaux  pour la reproduction de la vie, et, par extension, de la force de travail. Notre article d’aujourd’hui veut donc, donner une vision amplifiée du travail de la femme, et plus specifiquement, du travail domestique discriminatoire et  non-rémunéré.

Toutes les femmes, et parce qu’elles sont femmes,  sont victimes de la  répartition inégale du travail domestique (lavage, cuisine, éducation des enfants, etcc… ).  Qui pis est, les conséquences de ce travail domestique gratuit sont néfastes pour les femmes ( frein au travail professionel, un ralentissement à l’évolution de leur carrière, accès limité à l’éducation, perte du pouvoir d’achat) et  positives pour les hommes ( heures de loisir plus nombreuses, plus de disponibilité pour le travail salarié, plus sujet à des promotions au bureau et revenus supplémentaires, plus de prestige au niveau professionel, heures de travail inférieures, etcc). 

Selon la sociologue française Christine Delphy, un enfant consomme 100h de travail, 50h à la maison et 50h dans les espaces  socialisés (les écoles, les crèches, garderies, etc..). Or dans le travail à la maison, la femme réalise 40h et l’homme 10h. Même si on admet que la femme et l’homme contribuent également au paiement des espaces socialisés, la part totale de la femme est de 52,5 % du total, et de l’homme est de 22,5 % du total. Pour reprendre Mireille Neptune Anglade, le féminin, en se chargeant de toutes les tâches dégradantes économiques de l’ensemble national et en assurant un important travail invisibilisé, transfère, de fait, au masculin des ressources de vie et de survie. 

Capitalisme et Patriarcat

Il est important de souligner que le travail invisible des femmes est généré par le patriarcat. Et que ce dernier est essentiel pour le capitalisme et le néo-libéralisme parce qu’elle permet le travail gratuit et/ou sous-payé des femmes. Les violences que le patriarcat engendre sont nécessaires pour que le capitalisme puisse se régénérer. 

La société capitaliste est une société de provocation, qui pousse à la sur-consommation tout en privant une  partie de sa population des moyens nécessaires pour assouvir les besoins qu’elle suscite. Le capitalisme n’est pas seulement affaire de production de biens et services par l’appropriation privée des moyens de production mais c’est aussi la (re)production sociale de la vie et  de la force de travail par les femmes. Travail invisible et sans rémunération, nécessaire pour la survie et la perpétuation du capitalisme comme système global. 

Parmi les travaux menés par les mouvements féministes, les révisions féministes des théories marxistes ont travaillé activement sur le concept de travail et sur le rôle de la sphère reproductive dans le processus de production. Elles considèrent le travail, y compris le travail reproductif, comme la source de la valeur. Selon cette théorie, le travail produit non seulement un bien matériel mais aussi la valeur d’usage attribuée à ce bien. Dans le cadre de la production industrielle, dont les acteurs sont principalement des hommes, les propriétaires des moyens de production s’approprient le profit, entendu comme la différence entre le salaire versé aux travailleurs pour leur subsistance et la valeur réelle des produits de leur travail. Le salaire couvre les dépenses des travailleurs, par exemple la nourriture et le loyer de leur famille, mais ne rémunère pas le travail reproductif,  principalement effectué par les femmes (Federici 2012, 25ff).

 Le travail des femmes en Haïti

La marginalisation de la femme Haïtienne a toujours été structurelle, délibérée et établie à différents niveaux. Ainsi, l’exclusion de la femme est: 

  • Renforcée ( Absence de femmes féministes dans les espaces décisionnels et les sphères de politiques publiques). 
  • Fondée ( Quasi-absence/ Faible présence de dispositives légales pour protéger les droits des femmes). 
  • Prolongée ( Éducation au rabais, formation académique et professionnelle limitée). 

Selon Mireille Neptune Anglade, Haïti est un pays en état de guerre permanent. Elle a connu deux guerres de cent ans au plan interne  et une économie assiégée à l’extérieur. À état de guerre permanent, il faut une économie de guerre permanente. Et comme toute économie de guerre permanente, les femmes assurent le travail domestique, remplacent largement les hommes dans le travail marchand et assurent le rôle de chefs de ménage (suite à l’indisponibilité de nos hommes parce qu’ils sont appelés à la guerre). Mireille Neptune Anglade, dans son livre L’autre Moitié du Sous-Développement,  affirme que ces 3 rôles joués par les femmes Haïtiennes constituent un contrat tacite entre les sexes. Un contrat datant de plusieurs siècles, structurel, que l’on est quand même parvenu à invisibiliser. “La moitié d’une population, du fait de son sexe, se trouve dominée et exploitée par l’autre moitié, tant au niveau du travail domestique qu’au travail marchand. ” 

“La moitié d’une population, du fait de son sexe, se trouve dominée et exploitée par l’autre moitié, tant au niveau du travail domestique qu’au travail marchand. “

Mireille Neptune Anglade
Pour Conclure,

« Les femmes ont été essentiellement absentes du champ économique non seulement en tant qu’économistes mais aussi et surtout en tant qu’objets d’étude » (Ferber & Nelson 1993, 4). L’économie politique féministe a donc toute son importance parce qu’elle est une branche importante de la théorie économique qui se concentre sur les interactions entre le genre, le sexe et les politiques économiques. Les théories de l’économie politique féministe ont souligné l’importance de reconnaître le travail non rémunéré et la division sexuelle du travail, de critiquer le capitalisme et la marchandisation de l’economie et de promouvoir des politiques publiques pour réduire les inégalités économiques entre les sexes. En intégrant une perspective de genre dans l’analyse économique, l’économie politique féministe offre des outils pour mieux comprendre les inégalités économiques et les solutions possibles pour les réduire. Cependant, il reste encore beaucoup de travail à faire pour intégrer pleinement les perspectives féministes dans la théorie et la pratique économiques, et pour atteindre une véritable égalité économique entre les sexes.

One response to “                                L’Economie Politique Féministe”

  1. Garnier Avatar

    C’est un très bon travail !!
    Je suis d’avis pour rémunérer les femmes qui sont au service de la maison !!

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1 thought on “                                L’Economie Politique Féministe”

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