Crise économique à répétitions, absence de dirigeants œuvrant pour le bien commun, misère, inflation, insécurité… Haïti est devenu une proie facile pour ceux qui veulent s’enrichir et remplir leurs poches par tous les moyens. Grande est donc ma préoccupation face à la vulgarisation de ce que je ressens être comme un stratagème éventuellement risqué prenant l’apparence d’autonomisation financière, d’un retour sur investissement vertigineux dès le premier mois, de transformations des rêves et des projets en réalité et je ne sais quoi encore. En effet, cette plateforme que plusieurs d’entre vous connaissent sous le nom de CQR gagne chaque jour en popularité dans le pays. Les témoignages fascinants et alléchants ne cessent pas, et de plus, cette dernière représente un moyen facile de faire de l’argent.
J’écris ceci avec grand soin, à l’égard de celles et ceux qui sont déjà membres du CQR, mais aussi, et surtout, à ceux qui sont tentées ou pensent l’intégrer dans les jours à venir. Je ne doute pas que cette plateforme puisse apporter des changements significatifs aux conditions socio-économiques (à court ou à moyen terme) pour certains de sorte qu’elle représente à leur yeux un cadeau venant du ciel, une aubaine. Mais il faut aussi reconnaitre que cette plateforme a tous les critères d’un système pyramidal.
Avant d’approfondir mon point de vue, il m’importe de souligner la différence qui existe entre un système de Ponzi et un système pyramidal. Bien qu’ayant de nombreuses caractéristiques similaires, ces deux systèmes se distinguent par le type ce produit offert et leur structure. En effet, dans le système de Ponzi,les investisseurs apportent leur argent à un gestionnaire de portefeuille (le fondateur du système) qui leur promet un rendement élevé. Ces investisseurs récupèrent leur argent par les fonds apportés par les nouveaux membres, pensant que ces paiements proviennent d’investissements légaux. On assiste non à une activité d’investissement réelle mais a un transfert de fonds d’un client a un autre. Tandis que dans le système pyramidal, l’initiateur doit recruter des investisseurs, qui a leur tour, devront recruter des investisseurs supplémentaires, ainsi de suite. En parrainant un nouvel investisseur, on vous promet une partie de son argent et le fondateur prend aussi sa part.
Le CQR, c’est quoi?
Pour mieux acheminer mon analyse, il m’importe maintenant de présenter le fameux CQR, le Cryptocurrency Quand Robot. Très vite, je me suis heurtée au manque de réflexion critique sur l’éthique, la technique et le coté non-neutre de cette plateforme sur les différents moteurs de recherche, sinon quelques vidéos de certains adhérents invitant des personnes a intégrer la plateforme ou comment elle fonctionne. Je me suis donc rapprochée de celles et de ceux qui l’ont intégré depuis plusieurs mois pour de plus amples informations. Selon eux, le Cryptocurrency Quand Robot est une plateforme présente depuis 2013 et qui collecte les données de transaction de toutes les plates-formes de trading de crypto-monnaie du marché. En ce sens, CQR entreprend la tâche de promouvoir diverses crypto-monnaies telles que : Bitfinex, BitFlyer, Coinbase, Huobi, Binance au grand public, des devises de transaction populaires et des crypto-monnaies nouvellement émises, générant ainsi des revenus. Il utilise un puissant système de trading quantitatif pour négocier sur chaque plateforme de trading.
Rappelons que les cryptomonnaies sont des actifs numériques reposant sur une technologie nommée Blockchain (voir article écrit par Lensgothy et Kimberly pour ECO-DETAY) permettant des échanges de pair-à-pair sans intermédiaire tels que les banques ou assurances. Ce ne sont pas des monnaies mais leur valeur est déterminée en fonction de l’offre et de la demande. Contrairement à d’autres cryptomonnaies, sur la plateforme du CQR, le trading est effectué comme son nom l’indique par un robot. Le trading est le fait de miser sur des mouvements d’une action, d’un titre financier, d’une cryptomonnaie à la hausse ou la baisse via un courtier en ligne. Ce qui popularise le CQR, c’est son robot trading qui est un logiciel informatique permettant de trader des actifs financiers de façon automatique. Il est conçu pour réaliser des tâches précises à la place de l’investisseur dans le but d’accroître ses bénéfices. En ce sens nul besoin d’être en constante veille du marché ; le robot s’exécute à votre place.
De plus, la plateforme offre un programme d’affiliation où l’investisseur invite une ou des connaissances à rejoindre l’entreprise et permet à la plateforme de percevoir un bonus. Toutefois, lorsque le programme d’affiliation ou le parrainage est mis en avant à outrance, il faut se méfier car on fait face à un système pyramidal.
Un système pyramidal
Le système pyramidal est un schéma de fraude financière. C’est une structure intrinsèquement exploitable qui est illégale dans certains pays comme le Royaume-Uni, le Canada, etc. Dans ce système, l’argent effectué est filtrée vers le haut. Sa structure fondamentale suit une loi mathématique de la croissance exponentielle. Ce qui signifie qu’à chaque nouvelle étape de la pyramide, un nombre rapide de recru.e.s est nécessaire pour le maintenir en vie. Prenons comme exemple la plateforme CQR qui récompense chaque membre de façon significative après avoir recruté au moins 15 nouveaux investisseurs. C’est l’étape 1. A l’étape 2, 225 membres seront nécessaires, a l’étape 3, 3375 membres. A l’étape 13, plus de 120 milliards membres seront nécessaires (rappelons que la population mondiale est estimée a 8 milliard). En somme, plus il y a de personnes recrutées, plus la pyramide se construit et se renforce.
Ce système s’effondre lorsque la quantité d’investisseurs diminue et que le flux d’argent ne suffit plus à payer le rendement promis, laissant ainsi les investisseurs sans argent et les fraudeurs avec des gains illégaux. Ce système considéré comme une arnaque et de l’escroquerie dans certains pays comme les États-unis, la France, le Canada, l’Australie et tant d’autres est sévèrement puni par des peines de prison allant à plus d’une décennie.
Ce n’est pas tout.
Comme mentionnée tantôt, à chaque nouveau membre parrainé, une augmentation de profit est effectuée mais elle devient significative avec un minimum de 15 personnes. A ce stade, le parrain perçoit 400 USDT par mois (nom de la cryptomonnaie utilisée sur la plateforme) et obtient le grade de capitaine. Un rapide calcul nous a permis de comprendre que cette rémunération du capitaine n’est pas proportionnelle aux fonds apportés par les nouveaux membres. En effet, les 400 USDT représentent seulement 38% de ces fonds. Qui pis est, cette rémunération ne varie pas, peu importe le plan choisi par les investisseurs. Sur la plateforme il existe différentes possibilités d’investissement : 35$, 70$, 210$, 520$ et 1500$. En admettant que les 15 nouveaux membres décidaient d’investir 1500$, la rémunération perçue par le capitaine demeurera la même. Alors que celle du fondateur du système augmente avec le montant investi par les nouveaux membres. Une relation inverse entre le profit du fondateur et des membres s’établit donc. Une vraie arnaque !
Selon Robert FitzPatrick, une autorité américaine en matière de systèmes pyramidaux illégaux, chaque fois qu’un système de la sorte est un mis en œuvre, au moins 88% perdent de l’argent, tandis que les 12% tout en haut de la pyramide réalisent un rendement de 800%.
Les conséquences d’un tel système en Haïti seront plus désastreuses pour les investisseurs que les fraudeurs. En effet, étant inconnu, l’auteur de cette plate-forme ne pourrait être poursuivi en justice et être sanctionné. De plus, les lois Haïtiennes sont pour autant dire désuètes surtout en ce qui a trait à la cybercriminalité. Les victimes seront livrées à eux-mêmes étant dans l’impossibilité de faire des poursuites judiciaires à défaut de contrat entre eux et le promoteur. Sur ces plateformes, tout est effectué sur base de confiance. Ces investisseurs dépouillés perdront leur épargne et seront incapables de payer leur dette, ce qui augmentera leur pression financière. De plus, la honte, la colère et la dépression s’installera. Alors que dans certains pays comme en France par exemple il est conseillé de se référer à la liste de l’AMF (Association des Marchés Financiers) pour choisir une plate-forme de cryptomonnaie de confiance où en cas d’abus le citoyen peut avoir recours à la juridiction française. Ce qui évitera des pertes considérables à ces citoyens.
- Article ecrit par Esther Bazile et Naima Andris
Il nous a volé toutle monde