Hausse des prix des produits  alimentaires : le calvaire des commerçants haïtiens. 

Depuis quelques mois, les prix des denrées alimentaires  ne cessent d’augmenter sur le marché haïtien.  Alors que l’économie haïtienne affiche meilleure mine selon les récentes informations de la banque centrale,  la réalité est d’un tout autre genre.

Des immondices à perte vue, avoisinant parfois des tailles gigantesques, des  marées boueuses, c’est l’environnement de travail des commerçants du marché Lakou. Dans ce marché, situé à quelques mètres du Tribunal de Paix de Pétion-Ville,  la hausse des prix fait la guerre aux marchands.

«Le sac de riz de 25kg est passé en moins de 15 jours de  4300 G à 5000 G.  Le sac de farine de 50kg qui était de 6000 G coûte maintenant 8250»  témoigne une marchande.

En juin 2023, dans le rapport mensuel de la Banque République d’Haïti (BRH), l’inflation a diminué en glissement annuel, passant de 46,4% à 43.9%. Cela signifie qu’il y a un ralentissement de la croissance des prix sur le marché haïtien.  Cependant, dans la réalité, les marchands ne savent plus à quel saint se vouer car le prix des produits évolue d’une minute à l’autre.  Cassandra,  marchande de Pétion-Ville en témoigne : «  J’étais à un magasin me procurer quelque chose, alors que j’étais dans la file d’attente, le prix de la caisse du produit était de 6000 gourdes. Durant la progression de la file, elle est passée à 6250 gourdes. Arrivée à la caisse, j’ai payé 6500 gourdes pour le même produit. » Une situation qui pèse négativement sur le pouvoir d’achat des ménages haïtiens. Ces derniers se retrouvent dans l’obligation de limiter de temps à autre leur consommation. 

«  J’étais à un magasin me procurer quelque chose, alors que j’étais dans la file d’attente, le prix de la caisse du produit était de 6000 gourdes. Durant la progression de la file, elle est passée à 6250 gourdes. Arrivée à la caisse, j’ai payé 6500 gourdes pour le même produit. »


Depuis environ cinq mois, sur le marché des changes, la gourde connaît un léger meilleur jour. En effet, le 23 novembre 2023, le taux de référence est de 132,42 gourdes pour un dollar  contre 138, 14 en juin 2023. Du  mois d’avril au mois de septembre 2023, la gourde s’est appréciée de 12.5%.  Cette  appréciation de la gourde est due à une amélioration de la situation budgétaire haïtienne,  peut-on lire dans la note d’inflation de la Banque centrale. 

Après la pandémie Covid-19, la guerre entre la Russie et l’Ukraine a impacté grandement l’économie mondiale. Ce conflit a conduit à une hausse des prix à l’échelle mondiale notamment des matières premières et des carburants, d’après la banque mondiale. Selon l’économiste indienne, Jayati Ghosh, dans une interview avec le directeur de la Ralph Bunch Institute (RBI), Jhon Torpey, la guerre a réellement provoqué une augmentation des prix.  Toutefois, elle souligne que la raison pour laquelle cela a eu lieu c’est parce que les médias, les grands entreprises agricoles et l’activité financière sur le marché à terme ont utilisé le fait que ces deux pays sont de grands fournisseurs de blé pour faire monter les prix.

Après le Covid 19 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, nombreux sont les produits alimentaires dont les prix ont varié   sur le marché international.  Cependant, certains prix ne se sont jamais stabilisés en Haïti. D’après la professeure en économie, Jayati Ghosh, lorsque les prix montent et descendent sur le marché mondial, ils suivent la même trajectoire dans les pays riches. Néanmoins, il en est autrement dans les pays pauvres. Si les prix montent lorsque cela a lieu sur le marché mondial, ils ne baissent pas lorsque ces derniers diminuent et ont tendance parfois à augmenter. Tel est le cas d’Haïti.

Ce panorama de l’économie haïtienne par la Banque Centrale sous-tend que le pouvoir d’achat des ménages haïtiens devrait s’améliorer.  La hausse des prix devrait se limiter puisque cette situation a rendu moins chère les importations.  Toutefois, le prix des denrées importées comme le sucre, la farine ne cessent de gravir les échelons sur le marché. 

La formation des prix ne se fait pas au hasard. Selon Isabelle Weber, professeure d’économie à l’Université de Massachusetts à  Amherst (UMass), elle est le résultat d’une relation sociale entre les grands entrepreneurs et les consommateurs.  Les périodes de crise comme celle que connaissent Haïti et la République Dominicaine créent des situations de panique qui sont profitables aux grands entrepreneurs puisque les consommateurs s’attendent déjà à une augmentation des prix sur le marché. Généralement, la variation du prix est davantage le fruit de la spéculation mais les consommateurs n’ont aucun moyen de juger si les prix ont augmenté réellement.

«  Dans certains grands magasins de produits alimentaires pour se procurer plusieurs sacs de riz, il faut entre 75 000 à 100 000 gourdes. » se plaint une commerçante.  Certains marchands des provinces  qui ont l’habitude  de s’approvisionner  en  denrées alimentaires  à Port-au-Prince ne sont pas exemptés. Des clients qui achetaient généralement 200 jusqu’à 300 sacs se voient obligés de réduire leur quantité considérablement à cause de la rareté. 


Bien que la gourde s’apprécie sur le marché de change et que la banque centrale parle de désinflation, ce qui devrait améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs haïtiens,  les causes susmentionnées constituent des barrières qui empêchent les commerçants de souffler et de profiter de cette aubaine temporaire.

Un article d’Esther Kimberly Bazile

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